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Le Mythe du guerrier né

Le recrutement en AOF s’accélère

Le recrutement en AOF s’accélère

L’évaluation des ressources en hommes a été très optimiste de la part de Mangin, en tout cas aux dires des administrateurs coloniaux ; son appréciation des qualités aux combats des africains l’est tout autant :« Le noir naît soldat plus encore que guerrier, car son instruction militaire est facile et il a le sentiment de la discipline ».

Seulement voilà, les soldats nés n’existent pas plus en Afrique qu’en Europe. Il faut les former. Le regard porté par Mangin sur les tirailleurs sénégalais date de l’époque des engagés volontaires qu’on prenait le temps d’éduquer au maniement des armes. Après 1912, le recrutement par voie d’appel est autorisé, la motivation des appelés n’est plus la même que celle des engagés volontaires. Mais le mythe de la supériorité guerrière des africains est né. C’est dans ce contexte que la guerre éclate.

A l’été 1914, quand le recrutement en AOF s’accélère, il faut donc s’imaginer ce jeune africain du Haut Niger ou de la Haute Volta. Il n’a pour ainsi dire jamais vu  d’européens, il ne connaît au mieux que quelques mots de français, souvent aucun. Le voilà parti de son village perdu dans la brousse ou la savane en direction de Dakar, situé parfois à plusieurs milliers de kilomètres, au bord de l’océan.

Quelques jours d’instruction militaire sont complétés par quelques informations données sur le bateau, un bateau immense pour celui qui n’a connu que les pirogues.  On lui fournit une drôle de tenue, inconfortable, avec des chaussures qui font horriblement mal aux larges pieds de celui qui, de sa vie, n’en a jamais portées.  Le voyage dure une dizaine de jours, destination Marseille et les camps militaires situés en périphérie. Il va de surprise en surprise. Il découvre la grande ville, ses immeubles, ses larges avenues, ses usines, son tramway, ses magasins. A présent, il faut prendre le train pour traverser la France rejoindre la zone des combats dans le nord du pays. En quelques semaines, il est passé du soleil d’Afrique, pieds nus dans la Savane, à la pluie et aux bourrasques de l’Artois.  En godillots sous les obus et la mitraille, il participe maintenant à ce que les historiens appelleront désormais « la course à la mer ». En quelques semaines, le changement est rude. Nombreux sont ceux qui ne reverront jamais l’Afrique.